Les Japonais raffolent des nouilles. La nouille ramen est certes un grand favori, mais lorsque nous disons nouille, nous pensons très probablement udon ou soba. La nouille udon est faite de farine de blé, eau et sel, tandis que la nouille soba est un mélange de farines de sarrasin et de blé, et deau bien sûr. La pâte ainsi obtenue est malaxée, roulée, triturée, laminée, et finalement découpée en fines lanières.
Le sarrasin, ou blé noir, vient rapidement sous climat froid et nexige nullement un sol fertile. Présent dans le monde entier, il constitue lingrédient de base de plus dune spécialité régionale, à commencer bien sûr par la célèbre crêpe bretonne.
Au Japon, des documents de la période de Nara (710-794) nous apprennent lusage que faisaient du sarrasin les gens de lépoque. Soit lon faisait bouillir les grains pour les manger, comme le riz, soit on les réduisait en farine pour en faire des boulettes et des gâteaux non sucrés. Lorsque la récolte de riz avait été mauvaise, on avait toujours le sarrasin pour joindre les deux bouts (le sarrasin étant une plante bien moins difficile que le riz).
La nouille de soba que nous consommons aujourdhui apparut vers la moitié du XVe siècle. Plaisante à manger, déjà vers 1600 les Japonais dun peu toutes les régions en consommaient. Car cétait la grande période où bâtisseurs de châteaux, terrassiers et charpentiers saffairaient en Edo (aujourdhui Tokyo) pour en faire cette ville qui atteindrait bientôt son million dhabitants. Lappétit féroce de tous ces hommes de métiers, joint à celui de lhomme de la rue, créa une forte demande pour des lieux de restauration, et cest ainsi que lon vit surgir des restaurants et échoppes le long des routes pour les assouvir. Certains de ces commerces proposaient des nouilles soba étuvées (mushi-soba), un repas léger qui allait rapidement devenir très populaire. Le mushi-soba sobtenait en rinçant rapidement dans leau tiède les nouilles une fois bouillies, puis en les étuvant dans un panier à vapeur. Tout comme les soba aujourdhui, on les dégustait en les trempant dans une sauce légère de soja.
À Edo, les nouilles soba était un excellent matefaim à senvoyer sur un estomac vide, puisquen ce temps, les gens ne prenaient généralement que deux repas par jour. Le soba simposa donc comme la restauration rapide pour caler les petites faims dentre les repas.
Plus tard, le soba évolua dans différentes directions pour répondre à une diversification des goûts. Deux grands choix donc se présentent à laffamé : mori-soba (les nouilles, rincées dans leau glacée après cuisson, sont servies sur un mignon petit clayon de bambou), ou kake-soba (les nouilles sont versées fumantes dans un grand bol puis généreusement arrosées dun bouillon brûlant et odorant). Une variante plus récente, celle-là, le tane-mono (aux nouilles sajoute une garniture de tempura, fines tranches ou peau de tofu frites, plantes et herbes odorantes, morceaux de canard, etc.)
Il est devenu dusage commun de consommer chez soi des nouilles soba minute, lyophilisées ou congelées de longue garde. Mais lon trouve de plus en plus de gens prenant plaisir à les confectionner eux-mêmes à la main. Ce nest pas toujours facile, mais un peu dentraînement vient vite à bout des difficultés, et quelle récompense que de pouvoir varier la forme ou la recette à sa fantaisie, et de faire goûter ses trouvailles aux amis.
Le sarrasin abonde en vitamines B 1 et B 2, de même quen rutine et choline, si bien quun nombre croissant de gens voit dans le soba un aliment diététique parfait. Si certains éléments nutritifs séchappent dans leau de cuisson, on les récupère en suivant la coutume japonaise qui est de verser leau de cuisson quon vous sert à volonté dans une théière dans un bol avec le reste de sa sauce dassaisonnement, et de boire le mélange. Ainsi rien ne se perd, ce qui est très malin aussi car ce breuvage est délectable, très doux et également très nourrissant. 
|
Ce repas léger a été concocté pour vous par Sugawara Hiroshi, du restaurant Chikusen, servant le soba fait main dans le quartier de Shimbashi, Tokyo. Il est considéré comme un jeune dans le métier, bien quil étire la nouille de main preste depuis dix ans. Selon lui, il faut prendre en compte la température et lhumidité de lair lorsquon décide de la quantité deau à mettre dans la farine pour produire la bonne consistance de pâte, pour une saveur idéale.
|