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NIPPONIA No.21 15 Juin 2002
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Bon Appétit!

La Culture japonaise en cuisine

Soba

Une saine restauration rapide

Texte : Kishi Asako, critique gastronomique
Photos : Kono Toshihiko

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Une manière de consommer la nouille de sarrasin est de la tremper avant de la porter à la bouche dans une sauce relevée de “moutarde verte” wasabi, râpure de radis daikon, et d’oignons verts finement ciselés.
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Les Japonais raffolent des nouilles. La nouille ramen est certes un grand favori, mais lorsque nous disons “nouille,” nous pensons très probablement udon ou soba. La nouille udon est faite de farine de blé, eau et sel, tandis que la nouille soba est un mélange de farines de sarrasin et de blé, et d’eau bien sûr. La pâte ainsi obtenue est malaxée, roulée, triturée, laminée, et finalement découpée en fines lanières.
Le sarrasin, ou blé noir, vient rapidement sous climat froid et n’exige nullement un sol fertile. Présent dans le monde entier, il constitue l’ingrédient de base de plus d’une spécialité régionale, à commencer bien sûr par la célèbre crêpe bretonne.
Au Japon, des documents de la période de Nara (710-794) nous apprennent l’usage que faisaient du sarrasin les gens de l’époque. Soit l’on faisait bouillir les grains pour les manger, comme le riz, soit on les réduisait en farine pour en faire des boulettes et des gâteaux non sucrés. Lorsque la récolte de riz avait été mauvaise, on avait toujours le sarrasin pour joindre les deux bouts (le sarrasin étant une plante bien moins difficile que le riz).
La nouille de soba que nous consommons aujourd’hui apparut vers la moitié du XVe siècle. Plaisante à manger, déjà vers 1600 les Japonais d’un peu toutes les régions en consommaient. Car c’était la grande période où bâtisseurs de châteaux, terrassiers et charpentiers s’affairaient en Edo (aujourd’hui Tokyo) pour en faire cette ville qui atteindrait bientôt son million d’habitants. L’appétit féroce de tous ces hommes de métiers, joint à celui de l’homme de la rue, créa une forte demande pour des lieux de restauration, et c’est ainsi que l’on vit surgir des restaurants et échoppes le long des routes pour les assouvir. Certains de ces commerces proposaient des nouilles soba étuvées (mushi-soba), un repas léger qui allait rapidement devenir très populaire. Le mushi-soba s’obtenait en rinçant rapidement dans l’eau tiède les nouilles une fois bouillies, puis en les étuvant dans un panier à vapeur. Tout comme les soba aujourd’hui, on les dégustait en les trempant dans une sauce légère de soja.
À Edo, les nouilles soba était un excellent matefaim à s’envoyer sur un estomac vide, puisqu’en ce temps, les gens ne prenaient généralement que deux repas par jour. Le soba s’imposa donc comme la restauration rapide pour caler les petites faims d’entre les repas.
Plus tard, le soba évolua dans différentes directions pour répondre à une diversification des goûts. Deux grands choix donc se présentent à l’affamé : mori-soba (les nouilles, rincées dans l’eau glacée après cuisson, sont servies sur un mignon petit clayon de bambou), ou kake-soba (les nouilles sont versées fumantes dans un grand bol puis généreusement arrosées d’un bouillon brûlant et odorant). Une variante plus récente, celle-là, le tane-mono (aux nouilles s’ajoute une garniture de tempura, fines tranches ou “peau” de tofu frites, plantes et herbes odorantes, morceaux de canard, etc.)
Il est devenu d’usage commun de consommer chez soi des nouilles soba minute, lyophilisées ou congelées de longue garde. Mais l’on trouve de plus en plus de gens prenant plaisir à les confectionner eux-mêmes à la main. Ce n’est pas toujours facile, mais un peu d’entraînement vient vite à bout des difficultés, et quelle récompense que de pouvoir varier la forme ou la recette à sa fantaisie, et de faire goûter ses trouvailles aux amis.
Le sarrasin abonde en vitamines B1 et B2, de même qu’en rutine et choline, si bien qu’un nombre croissant de gens voit dans le soba un aliment diététique parfait. Si certains éléments nutritifs s’échappent dans l’eau de cuisson, on les récupère en suivant la coutume japonaise qui est de verser l’eau de cuisson — qu’on vous sert à volonté dans une théière — dans un bol avec le reste de sa sauce d’assaisonnement, et de boire le mélange. Ainsi rien ne se perd, ce qui est très malin aussi car ce breuvage est délectable, très doux et également très nourrissant. NIPONIA
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Ce repas léger a été concocté pour vous par Sugawara Hiroshi, du restaurant Chikusen, servant le soba fait main dans le quartier de Shimbashi, Tokyo. Il est considéré comme un jeune dans le métier, bien qu’il étire la nouille de main preste depuis dix ans. Selon lui, il faut prendre en compte la température et l’humidité de l’air lorsqu’on décide de la quantité d’eau à mettre dans la farine pour produire la bonne consistance de pâte, pour une saveur idéale.
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